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Perfect Blue et Millennium Actress : Satoshi Kon ou l’explorateur de la psyché

Perfect Blue et Millennium Actress : Satoshi Kon ou l’explorateur de la psyché

Satoshi Kon ne se contente pas de raconter des histoires. Il les déconstruit, les reconstruit et joue avec la perception du spectateur. À travers ses films, il explore l’identité, la mémoire et la frontière floue entre réalité et illusion. Avec Perfect Blue (1997) et Millennium Actress (2001), il impose son style unique. Il va révolutionner l’animation japonaise en l’élevant au rang de véritable art cinématographique.

Lorsque Satoshi Kon se voit confier la réalisation de Perfect Blue, il s’agit, à l’origine, d’un projet de film en prise de vue réelle. En effet, le long-métrage est initialement inspiré d’un roman de Yoshikazu Takeuchi. Toutefois, à la suite du tremblement de terre de Kobe en 1995, qui endommage gravement les infrastructures de production, le projet bascule finalement vers l’animation. Cette contrainte deviendra une opportunité : Kon pourra pousser encore plus loin l’expérimentation visuelle et narrative.

Perfect Blue : un thriller psychologique marquant

Perfect Blue et Millennium Actress : Satoshi Kon ou l’explorateur de la psyché

Le film suit Mima Kirigoe, une idole japonaise qui décide d’abandonner la chanson pour se lancer dans une carrière d’actrice. Mais ce changement est mal perçu par ses fans, et elle commence à être harcelée par un stalker. Progressivement, Mima perd pied entre la réalité et ses hallucinations, jusqu’à ne plus savoir si elle est encore maîtresse de son propre destin.

Perfect Blue est construit comme un puzzle où les frontières entre rêve, hallucination et réalité sont volontairement brouillées. Kon utilise des ellipses brutales, des transitions fluides entre les scènes, et une mise en abyme avec la série dans laquelle joue Mima, qui semble contaminer sa vie réelle.

Cette construction narrative, souvent comparée aux films d’Hitchcock, plonge le spectateur dans le même état de confusion que Mima. On ne sait plus ce qui est réel ou non. Ce qui relève du tournage de la série ou de la vraie vie. Un procédé qui sera repris plus tard dans Black Swan (2010) de Darren Aronofsky, qui s’en est ouvertement inspiré.

Une critique de la société japonaise et de la célébrité

À travers Mima, Kon dénonce le culte toxique des idoles et la pression sociale exercée sur les femmes au Japon. L’industrie du divertissement est montrée comme une machine à broyer les jeunes talents, les enfermant dans des rôles préfabriqués et les exposant à des menaces bien réelles.

Perfect Blue choque par sa violence psychologique et sa mise en scène oppressante. Pourtant, cette œuvre deviendra un film culte, prouvant que l’animation peut être un médium puissant pour raconter des histoires complexes et adultes.

L’obsession pour la frontière entre rêve et réalité

Si Perfect Blue marque une première exploration de l’identité troublée et de la perception altérée, cette thématique devient centrale dans toute la filmographie de Kon. Son style unique repose sur un montage non linéaire, où les souvenirs, les rêves et la réalité s’entrelacent en un ballet hypnotique.

Kon est notamment influencé par la littérature de science-fiction japonaise, en particulier celle de Yasutaka Tsutsui. En effet, les romans de ce dernier explorent avec finesse la confusion entre imaginaire et monde tangible. Il le prouve en scénarisant Magnetic Rose, un segment du film Memories (1995), qui raconte l’histoire d’un équipage de l’espace confronté à des illusions créées par l’IA d’une diva décédée.

Cependant, Kon pousse encore plus loin son exploration dans Millennium Actress, où le temps et l’espace deviennent malléables.

Millennium Actress : un hommage au cinéma japonais

Perfect Blue et Millennium Actress : Satoshi Kon ou l’explorateur de la psyché

Après la noirceur de Perfect Blue, Kon change radicalement de ton avec Millennium Actress (2001). Ce film, empreint de nostalgie et de poésie, rend hommage à l’âge d’or du cinéma japonais et à ses grandes actrices comme Setsuko Hara ou Hideko Takamine.

L’histoire suit Chiyoko Fujiwara, une ancienne star du cinéma qui accepte de raconter sa vie à un journaliste venu l’interviewer. Au fil de son récit, les souvenirs de son passé et les scènes de ses films se mélangent, brouillant la frontière entre réalité et fiction.

Une mise en scène révolutionnaire
Kon adopte ici un style narratif inédit :

  • Il supprime les transitions classiques pour glisser d’une époque à l’autre sans prévenir,
  • Le journaliste et son caméraman deviennent des personnages intrusifs dans les souvenirs, interagissant avec Chiyoko comme s’ils étaient physiquement présents dans son passé,
  • Les scènes de films de Chiyoko se confondent avec sa véritable histoire. Ce qui illustre la manière dont les acteurs se fondent dans leurs rôles.

Ce procédé donne au film une fluidité temporelle unique, inspirée du montage de Slaughterhouse-Five, un film de George Roy Hill. Ce dernier alterne entre différentes périodes de la vie du protagoniste sans transition claire.

Une vision optimiste de la célébrité

Contrairement à Perfect Blue, qui explore les dérives sombres de la célébrité, Millennium Actress offre, quant à lui, une vision plus lumineuse et poétique de la renommée. Certes, Chiyoko traverse des épreuves, mais elle n’est pas une victime pour autant. Au contraire, elle est animée d’une passion inextinguible pour le cinéma et portée par une quête amoureuse profonde. Même après avoir abandonné sa carrière, elle vit encore à travers ses souvenirs et ses rôles.

Le film est une déclaration d’amour au cinéma japonais, parsemée de références à Akira Kurosawa (Rashomon, Trône de sang), Kenji Mizoguchi et Yasujiro Ozu.

Bien que son ton soit plus mélancolique, Millennium Actress demeure néanmoins un chef-d’œuvre d’animation audacieux. En effet, il prouve une nouvelle fois que Kon est avant tout un cinéaste, et non un simple réalisateur d’anime.

Avec ces deux films, Satoshi Kon pose les bases de son style :

  • Un montage fluide qui défie la chronologie classique,
  • Des récits qui mélangent fiction et réalité,
  • Une réflexion profonde sur l’identité et la perception,
  • Un regard critique sur la célébrité et la société japonaise.

Il ne s’arrête pas là. Son exploration de la psyché humaine continue avec Tokyo Godfathers et Paranoia Agent. Oeuvres dans lesquelles il mêle drame social et surréalisme avec une habileté rare.

Tokyo Godfathers et Paranoia Agent : la critique sociale de Satoshi Kon

AUTEUR

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