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Tropic of the Sea : la vie de mangaka de Satoshi Kon

Tropic of the Sea : la vie de mangaka de Satoshi Kon

Alors qu’il gravit les échelons du monde du manga, Satoshi Kon trouve son premier véritable terrain d’expérimentation avec Tropic of the Sea (Kaikisen), publié en 1990 dans Young Magazine. Ce récit long-forme se distingue par sa structure narrative singulière et son mélange subtil entre réalisme et fantastique.

Contrairement à l’approche cyberpunk et dystopique de son mentor Katsuhiro Otomo, Satoshi Kon, quant à lui, développe une écriture plus introspective. En effet, il se concentre davantage sur la psychologie des personnages ainsi que sur la transformation progressive de leur perception du monde.

Tropic of the Sea et ses premières œuvres

Tropic of the Sea : la vie de mangaka de Satoshi Kon

L’intrigue se déroule dans une petite ville côtière où la réalité semble s’effriter progressivement, plongeant les protagonistes dans une spirale hallucinatoire. Dès cette œuvre, on retrouve un des motifs récurrents de Kon : la fine frontière entre le réel et l’imaginaire. Ce style, à mi-chemin entre narration classique et expérimentation, est un héritage direct de son admiration pour le Comic New Wave, un mouvement qui a transformé le manga en proposant des récits destinés à un lectorat adulte et en s’affranchissant des codes traditionnels du shōnen et du shōjo.

Malgré la qualité indéniable de Tropic of the Sea, la pression éditoriale est intense. Kon doit produire 200 pages en trois mois, un défi qui mettra à rude épreuve son endurance. Conscient des contraintes du marché du manga, il réalise que cette cadence infernale pourrait avoir des répercussions sur sa santé. Mais à ce moment-là, il est encore jeune, ambitieux, et prêt à tout pour s’imposer dans l’industrie.

Les contraintes du travail de mangaka et l’impact sur sa santé

Comme beaucoup de jeunes auteurs, Kon découvre rapidement les coulisses impitoyables du manga. Dans l’industrie japonaise, le rythme de production est infernal : les magazines hebdomadaires comme Young Magazine imposent des délais serrés qui forcent les auteurs à travailler jour et nuit, souvent sans réelle assistance.

Pour Tropic of the Sea, Kon enchaîne des journées de 12 à 16 heures de travail, avec des nuits quasi inexistantes. Son planning est réglé au millimètre :

  • 2 jours pour concevoir le storyboard,
  • 3 jours pour réaliser les crayonnés,
  • 2 jours pour l’encrage.

Cette routine est épuisante et laisse peu de place aux erreurs. Mais Kon, perfectionniste, refuse d’abandonner le moindre contrôle sur son œuvre. Il préfère tout dessiner lui-même plutôt que de déléguer certaines tâches, ce qui empire encore sa charge de travail.

[Dossier] De Perfect Blue à Paprika : Comment Satoshi Kon a changé le cinéma à jamais

Ce surmenage finit par le rattraper brutalement. Un matin, il se réveille avec une fièvre intense dépassant les 40°C. Incapable de se lever, il consulte un médecin et découvre qu’il souffre d’une hépatite A, probablement aggravée par le stress et le manque de sommeil. Il est hospitalisé pendant plusieurs semaines et doit suspendre son travail.

Cet épisode marque un tournant dans sa carrière. L’expérience l’amène à reconsidérer son avenir en tant que mangaka. Il se rend compte qu’il ne pourra pas tenir ce rythme sur le long terme et commence à envisager d’autres opportunités, notamment dans l’animation.

Collaboration avec Otomo et l’évolution vers l’animation

Otomo Akira

Pendant sa convalescence, Kon réfléchit à l’avenir. S’il reste passionné par la narration visuelle, il commence à douter du manga comme médium d’expression principal. C’est alors que Katsuhiro Otomo réapparaît dans sa vie et lui offre une opportunité inespérée : travailler sur un film live-action, World Apartment Horror (1991), en tant que scénariste.

Ce projet, une satire sociale sur les tensions raciales et économiques dans les quartiers populaires de Tokyo, permet à Kon de s’essayer à l’écriture pour le cinéma. Même s’il n’est pas pleinement satisfait du résultat, il y découvre un nouvel univers. Univers où il peut expérimenter avec les structures narratives sans subir la pression d’un hebdomadaire.

Dans la foulée, Otomo lui propose un autre défi : participer au projet Memories (1995). Ce film d’anthologie, réalisé par plusieurs grands noms de l’animation japonaise, comporte trois segments, dont Magnetic Rose, écrit et storyboardé par Kon. Cette œuvre est une révélation.

L’histoire suit un équipage spatial qui découvre une station abandonnée, hantée par les souvenirs d’une ancienne cantatrice. La frontière entre le réel et l’illusion s’efface progressivement, piégeant les personnages dans une spirale psychologique angoissante. Cette approche du récit, mêlant thriller, rêve et distorsion du temps, devient la signature de Satoshi Kon et lui ouvre les portes de la réalisation.

Après cette expérience, il décide d’abandonner définitivement le manga pour se consacrer à l’animation. Il réalise que ce médium lui permet une liberté de mise en scène qu’il ne pouvait pas obtenir avec le manga. Sa carrière prend un tournant décisif : il s’apprête à réaliser son premier long-métrage : Perfect Blue. Un film qui marquera à jamais l’histoire de l’animation japonaise.

Perfect Blue et Millennium Actress : Satoshi Kon ou l’explorateur de la psyché

AUTEUR

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